Le spectateur immersif (par Wenaël Aloë)

À partir de l’expérience DANSÉCRITURE | MASCARADE, particulièrement l’exposition Œuvre ouverte au TU-Nantes, Festival Trajectoires, janvier 2020

// Depuis plusieurs mois, une dizaine d’amateurs et novices ont développé des points de vue, des regards, des intentions multiples autour d’une pièce intitulée Mascarade, à travers des danses et des mots pour l’inventer. Cette exposition œuvre ouverte est l’occasion de découvrir leurs projections.
L’exposition est conçue comme une œuvre collective en écriture instantanée, où chaque participant sera dans le même temps interprète, lecteur et spectateur de l’action en cours : une nouvelle manière d’impliquer le regard du spectateur dans la production d’une œuvre chorégraphique.//


(…) Ça m’a quand même vachement inspiré, Dansécriture, pour mes projets d’animation sociale, où simplement des workshops. Faut juste innover dans l’workshop et pousser le bouchon un peu plus loin jusqu’au délire total.

Concrètement, en revoyant les images de l’expo, en me souvenant de l’ambiance, il y avait vraiment une euphorie de lire des textes. De monter un truc. Ce truc de création partagée. Ça me donne envie d’aller plus loin dans ces dispositifs. C’était totalement immersif. Et puis de bosser dans un lieu, de chercher, d’user l’espace, de s’installer, de tout retourner, d’avoir différents éléments, pouvoir regarder, lire, écrire, oser. On aurait pu encore plus oser. On aurait pu frôler le truc intello, mais non. Pas du tout, enfin pas dans mes yeux ni dans ma tête. C’est marrant ce qui peut se créer comme ambiance le temps d’une microrésidence.

Vivre l’art à l’instant présent, c’est autre chose que de tenter de comprendre, traduire, lire des tableaux dans les murs des musées. Les textes aux murs étaient encore frais d’encres. Les dessins nerveux des mains qui les ont tracés. On se fout de savoir comment c’est écrit, comment ça s’écrit.

On veut savoir. On veut savoir ce qui a été dit à l’instant où l’on n’y était pas. Où l’on n’a pas vécu ce qui fait trace, ce qui jaillit. On aurait pu passer des après-midi encore, à inventer des pièces de danses que personnes ne verra jamais. À coller chacun des morceaux de ce que l’on connaît. De ce que l’on sait. Raccrocher des lambeaux du temps pour les faire vivre dans l’instant. C’est un dialogue. Une cohue de noms vivants et morts, de souvenirs que l’on propage, de gestes que l’on se transmet. On ne sait pas vers où on va, mais on y va, on assemble et ensemble on y va. Sans traquer, sans peur, sans hésiter. L’élan commun flottait au-dessus de nos têtes.

Il n’y aura personne qui verra ça, personne d’autre que nous qui sommes là. Alors chacun hésite, tente, parce qu’il y a quand même quelqu’un d’autre que nous, qui tente aussi, qui peut te remettre en doute d’un seul coup d’œil, et parfois sans faire exprès. Est-ce que c’est assez ? Le tenter comme ça  ? J’essaie ça d’abord dans ma tête, voir ce que j’en pense ? Comment ça le corps ne suit pas ? Je retente. (…)

Extrait d’une lettre de Wenaël Aloë à Joël Kérouanton, le 26 février 2020.

Wenaël Aloë est un artiste-plasticien punk œuvrant en France, et à Bruxelles lors de ses fameuses escapades belges. Il fait usage de son approche plastique dans l’animation sociale et lors d’installations et de lectures-performances. Il n’est pas rare de le voir « produire du son », comme il aime à le dire, lors de soirées électros underground.